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Dernière mise à jour: 11/03

© Y. Rumeau

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LES MAINS

Les mains constituent le témoignage le plus original de la fréquentation de Gargas par les hommes du paléolithique.

 

Elles sont des représentation symboliques que l'on retrouve dans l'art paléolthique des cavernes d'Europe occidentale ainsi que dans le busch australien, à Borneo, en Patagonie argentine ou au Sahara. Par contre, on ignore leur signification. A Gargas, comme dans à Tibiran, Maltravieso, la Fuente del Salin, le Fuente del Trucho, Arcy-sur-Cure ou Cosquer, à cette interrogation s'ajoute le problème de l'explication des doigts incomplets.

 

Pour les préhistoriens, les mains de Gargas sont des « mains négatives » : elles ont été réalisées en appliquant la main contre la paroi et en cernant son contour de colorant. Une analyse des pigments et l'examen macroscopique de la peinture effectués par M. Menu et P. Walter (Laboratoire de recherche des Musées de France - 1991) a permis de mieux connaître la manière de peindre ces mains. Il apparaît qu'à chaque main correspond un « pot de peinture » différent par la nature du pigment utilisé et sa préparation. La peinture rouge est constituée d'oxydes de fer et celle ocre jaune de goethite. Pour les mains noires de la Grande Paroi de la première salle des oxydes de manganèse forment le pigment. Au contraire, le pigment des mains noires du sanctuaire est du charbon de bois finement broyé. De plus, le mode de dépôt n'est pas le même selon la nature du colorant : projection de colorant liquide pour les mains noires du sanctuaire et les mains rouges ; utilisation d'un pinceau très large ou d'un morceau de fourrure pour répartir une peinture pâteuse dans le cas des mains noire de la grande paroi. C'est aussi cette technique qui fut employée pour appliquer le talc qui dessine la main blanche du laminoir.

 

Il existe donc deux grands ensembles dans la répartition topographique des mains : la première salle de la galerie inférieure (74% de mains recensées) et le sanctuaire des mains (23%). Quelques mains isolées ont aussi été recensées dans le Pavillon chinois, dans une loggia de la paroi droite de la salle II et au fond du laminoir de la zone des crevasses. Les mains ne sont pas distribuées de manière continue le long des parois. Elles sont regroupées par panneaux. Les parois sur lesquelles ont été peintes les mains négatives de Gargas semblent résulter d'un choix et, dans certains cas, avoir fait l'objet d'une préparation comme en témoignent des traces de grattage et des plages de colorant soufflé sur le fond rocheux. Dans le sanctuaire des mains et sur la paroi droite de la salle I, les niches naturelles ont été privilégiées par les hommes du paléolithique pour y inscrire l'image de leur main.

 

Dans son inventaire, Marc Groënen compte cent quatre-vingt douze mains négatives sûres et vingt probables (Claude Barrière en comptait deux-cent trente et une). L'incertitude vient essentiellement d'une lecture rendue difficile par l'état de conservation précaire de certaines mains. Seulement cent-dix mains ont pu être étudiées avec précision quant à leur conformation digitale. Une vingtaine de combinaisons ont pu être déterminées. On remarque dans près de la moitié des cas (47,3%) que tous les doigts sont réduits à une seule phalange, sauf le pouce qui reste entier. Par ailleurs dix sept mains sont complètes (15,5%). Les autres types de conformations les plus fréquents sont les doigts complets à l'exception du majeur réduit à une phalange (5,4%), les trois premiers doigts complets et les deux autres réduits à une phalange (5,4%). Dans leur très grande majorité, les mains sont orientées verticalement et il s'agit de mains droites et de mains gauches. Toutes les tailles sont présentes et il semblerait que les mains de Gargas ont été celles d'individus des deux sexes, appartenant à toutes les tranches d'âge, du nourrisson à l'adulte.

 

 

Le problème des doigts incomplets a été abordé dès la découverte des mains de Gargas. L'abbé H. Breuil et E. Cartailhac ont commencé par imaginer que les hommes du paléolithique avaient replié leurs doigts avant d'appliquer le colorant autour de la main posée sur la paroi. Mais des échecs répétés dans leurs tentatives pour reproduire les mains les ont conduits à abandonner cette hypothèse et à avancer celle de l'existence de mutilations rituelles, comme l'ethnographie australienne et boschimane en fournissait l'exemple.Dès lors, Gargas est devenue "la grotte des mains mutilées". Pourtant, le docteur L. Capitan, G.H. Luquet ou P. Sayntives avaient repris l'hypothèse des mains aux doigts repliés et ont essayé d'en démontrer la validité. Mais l'autorité de Breuil et les recherches complémentaires de N. Casteret et J. de la Roche, ont installé cette interprétation qui voulait que les hommes de Gargas aient pratiqué la mutilation d'un ou plusieurs doigts en signe de deuil. Pendant un temps le professeur L.-R. Nougier soutint, lui aussi, cette interprétation surtout justifiée par des comparaisons ethnographiques. Puis il changea d'avis et se rallia à l'hypothèse des mutilations pathologiques.

C'est le docteur A. Sahly qui, dans une thèse de lettres consacrée aux mains dans l'art préhistorique (1969), a formulé cette seconde interprétation. Il considérait a priori, que les mains de Gargas, de Tibiran et de Maltravieso n'avaient pas pu être réalisées en repliant les doigts. Donc, il rechercha des preuves de leur mutilation. L'existence à Gargas comme dans d'autres grottes, d'empreintes accidentelles de doigts dans l'argile, qu'il interpréta comme des mains mutilées, les lui apporta. Il imagina alors que les hommes de Gargas, affaiblis par des carences alimentaires, n'avaient pas supporté le refroidissement du climat à l'Aurignacien. Ils auraient ainsi subi de très graves gelures ayant entraîné une nécrose des doigts ou bien auraient été victimes de la maladie de Raynaud, et seraient venus dans la grotte tenter de soigner leurs moignons dans l'argile. Cette argumentation est aujourd'hui réfutée. Les mains de Gargas datent probablement du Gravettien et non l'Aurignacien. La présence d'empreintes de mains mutilées dans l'argile est très contestée par les préhistoriens. Enfin, il est surtout difficile de justifier que des gelures ou des troubles circulatoires auraient mutilé tous les doigts et épargné le pouce, toujours entier sur les mains de Gargas.

A. Leroi-Gourhan, dans un article paru en 1967, a repris à son compte l'hypothèse des doigts repliés. Elle est ajourd'hui admise par la grande majorité des préhistoriens. D'autant que les expérimentations de M. Groënen et de M. Lorblanchet ont montré que l'on pouvait reproduire toutes les mains de Gargas par cette technique. Un technique utilisée par les hommes du paléolithique comme le prouve la frise de pouces repliés, peinte au pochoir, à l'intérieur du sanctuaire des mains. Pour A. Leroi-Gourhan les hommes de Gargas possédaient un langage gestuel qu'ils utilisaient lors de la chasse ou pour la transmission de contes initiatiques. Il s'agit de pratiques attestée par l'ethnographie dans toutes les civilisations de peuples chasseurs. Cependant, la présence des mains sur les parois demeurent toujours aussi énigmatique.

Plus récemment, Jean Clottes a expliqué que l'important n'est peut être pas l'image de la main qui reste sur la paroi. Dans une interprétation faisant le lien entre l'art des cavernes et les pratiques chamaniques, il considère que c'est l'acte de couvrir, ensemble, la main et la paroi autour, d'une même substance rituellement préparée qui importait le plus. A cet instant, la main semblait traverser la paroi et « pénétrer dans le monde spirituel caché derrière le voile de la pierre ». Dans ce contexte, il n'exclut pas l'existence d'amputation faisant partie de rites d'initiation chamanique.

 

Les mains de Gargas sont attribuées au Gravettien. La datation n'a pas été obtenue sur un échantillon de pigment. Ce sont des esquilles d'os trouvées dans les fissures de la grande paroi des mains qui ont été datées de 26860 ans ± 460. Les mains de Gargas sont contemporaines de celles de Cosquer.